- PARMESAN
- PARMESANÉlève de Corrège: c’est ainsi que Vasari et la quasi-unanimité des biographes et des critiques, tant «anciens» que modernes, définissent Parmesan. Mais Parmesan n’est d’aucune école et il n’en a fondé aucune. Capable d’observer et d’analyser la réalité de l’Italie de son temps, c’est néanmoins dans ses propres sensations qu’il a trouvé ses sources d’inspiration. Au cours des vingt années qu’a duré son activité, il a su exprimer, sans jamais dévier ni fléchir, un univers marqué du sceau de sa personnalité, bien que celle-ci ait été, à n’en pas douter, un miroir déformant; ses tableaux, certes, mais surtout ses fresques et ses dessins sont, à cet égard, éloquents. À l’instar du creuset de l’alchimiste dont parle Vasari, son esprit a su accueillir et fondre, avec autant de science que d’art, les intuitions et les rêveries les plus prophétiques et les plus audacieuses.Les débuts de ParmesanFrancesco Mazzola ou Mazzuoli est né à Parme, comme l’indique son surnom de Parmesan; il doit son éducation artistique à ses oncles paternels, «petits maîtres» encore à l’école de l’art de Venise et de Ferrare de la fin du XVe siècle. Les œuvres qu’il exécute à Parme et dans les environs, entre seize et vingt ans, témoignent d’une maturité instinctive, que l’artiste consolide par l’étude des principaux artistes de la région, Corrège et Anselmi, ainsi que de Raphaël, dont certaines œuvres étaient déjà parvenues en Émilie. Parmesan connaît aussi les maniéristes toscans notamment le Siennois Beccafumi puis, plus tard à Rome, Rosso et naturellement Michel-Ange.Peint en 1522, le retable de Bardi laisse certes apparaître le souvenir de Mantegna, mais il montre déjà comment toutes ces sources et ces influences se trouvent assimilées par une personnalité autonome, dont le style original s’affirme dans la composition allongée, dans le mouvement tournant des figures modelées sur la grille des fines colonnes qui découpent le haut de l’abside et dans les coloris brillants.Les décorations à la fresque, réalisées entre 1522 et 1524, des trois chapelles de l’église Saint-Jean à Parme révèlent une évolution significative: dans la première chapelle décorée par Parmesan, la chapelle Zangrandi, les portraits de saint Nicolas et de saint Hilaire de Poitiers traduisent l’admiration, prépondérante mais contrôlée, pour Corrège; la chapelle suivante, avec ses deux diacres et saint Vital, se caractérise par une composition plus libre, plus hardie, plus mouvementée; Parmesan s’est inspiré, notamment pour son Saint Vital retenant le cheval , de l’artiste frioulan Pordenone, tandis que la décoration de la partie centrale de l’intrados le montre s’adonnant aux plus folles audaces à la Beccafumi; enfin, dans la dernière chapelle, avec Sainte Agathe et le bourreau , Sainte Lucie et Sainte Apollonie , on voit Parmesan effectuer un retour à Corrège, mais en l’intégrant désormais dans une vision radicalement personnelle: ainsi, les putti disposés parmi les feuillages ne sont pas faits d’air et de lumière, ils sont traités au contraire avec une grande fermeté plastique.Une étape nouvelle dans la formation progressive de cette personnalité en perpétuelle fermentation est constituée par la décoration de la salle de bains du château des comtes Sanvitale à Fontanellato; nombreux sont ici les éléments neufs auxquels Parmesan parvient par intuition, qu’il invente ou réinvente, et qui concernent aussi bien le style que la continuité narrative qui se déploie dans les treize lunettes reliées entre elles iconographiquement. Ici aussi abondent les références au Corrège de l’office de l’abbesse Giovanna Piacenza, à Saint-Paul: le berceau, le ciel, les putti ; mais les lunettes peintes par Corrège représentaient des scènes indépendantes les unes des autres et que baignait une lumière d’une douce sérénité; Parmesan, qui n’était certainement pas sans connaître les œuvres de Giorgione et de Titien, suit au contraire le récit d’Ovide depuis l’heure de midi jusqu’à la nuit, à l’aide de séquences toujours plus dramatiques – dramatisation à laquelle contribuent les coloris mouvants du ciel, le flamboiement du paysage et les animaux qui saisissent, mieux que les êtres humains, le destin funeste de leur maître Actéon. Fermant et rompant la continuité de la composition, la lunette de la fenêtre présente Paola Gonzague, souriante et sereine, dans un effet de contraste avec la fureur redoutable de Diane qui lui fait face. Le centre idéal et réel de la pièce est formé par le miroir rond, au sommet de la voûte, motif dominant depuis les débuts, et que l’on retrouve dans l’Autoportrait de Vienne. Celui-ci est le premier d’une longue série de peintures et de dessins à l’aide desquels l’artiste exprime, à travers ses propres traits, comme en un journal, ses états d’âme et les événements de son existence.Les tableaux de cette période révèlent une maturité précoce, mais avec des accents de tendresse juvéniles, comme dans les peintures traitant de sujets religieux: la Sainte Barbara et La Sainte Famille du Prado, L’Adoration des bergers et la Vierge à l’enfant Doria, ou la Sainte Catherine sous le palmier , de Francfort; et il en va de même pour les portraits où il parvient à saisir, en même temps que la ressemblance physique, les traits les plus profonds du caractère: ainsi dans le Galeazzo Sanvitale de Naples, gentilhomme raffiné et rude condottiere.À Rome et à BologneCe n’était pas avec l’ambition de trouver des clients illustres que Corrège était allé à Rome, mais dans le but bien particulier d’étudier de près les œuvres des artistes les plus célèbres de son temps; Parmesan, pour sa part, s’y rend avec la certitude de bénéficier de la protection du pape, et il apporte avec lui des tableaux, à titre de «carte de visite» et l’espoir de pouvoir décorer les murs de la salle des papes au Vatican, dont la voûte avait déjà été peinte de «grotesques» par Giovanni d’Udine. Cette espérance sera déçue, et l’artiste ne pourra exécuter aucune fresque, ni à Rome ni pendant son séjour ultérieur à Bologne; en revanche, il recevra commande de nombreux tableaux destinés à décorer des demeures patriciennes ou d’importantes églises – beaucoup plus nombreux, certes, que ceux qu’il peindra effectivement, dans la mesure où il consacre son temps à d’autres travaux. Il étudie les grands cycles peints par Raphaël et Michel-Ange, ainsi que les œuvres des premiers maniéristes, parmi lesquels Rosso, qui exerçait à Rome à ce moment-là, et Giovanni d’Udine, qui recréait les «grotesques» classiques dans les loges vaticanes; ce dernier l’aurait incité à visiter et à étudier la Domus Aurea, découverte depuis peu, et qui le séduisit par l’harmonie des couleurs, la structure géométrique et l’étude de la nature dans tous ses aspects, et singulièrement dans les «quatre règnes» dont l’homme est le protagoniste et le seigneur.Le paysage devient alors un élément toujours plus important et une partie intégrante de la représentation humaine, comme dans la Sainte Famille de la galerie Capodimonte de Naples et dans la Vierge de saint Jérôme , de Londres, exécutées pendant la période romaine; ou dans le Saint Roch et le donateur (Saint-Pétrone, Bologne), dans la Vierge de sainte Marguerite (Pinacothèque de Bologne) et la Vierge de saint Zacharie (les Offices, Florence) exécutés à Bologne, où Parmesan se rend en 1527 à la suite du «sac de Rome».L’impulsion donnée par la contemplation directe des œuvres classiques de Raphaël et de Michel-Ange fait qu’en quelques années l’art de Parmesan atteint à une maîtrise et à une rigueur rares chez un artiste de son âge. La Vierge à la rose de la Gemäldegalerie de Dresde suffit à illustrer ces nouveaux progrès: avec un art consommé, l’artiste a lié le mouvement circulaire de la tenture au déploiement des vêtements de la Vierge, à la courbe que forment les membres de l’Enfant posé sur ses genoux, au globe qu’il tient dans la main, et enfin à la rose qui constitue le pivot de la composition. Cette évolution est sensible aussi dans les portraits où, à la tendresse pudique de l’Autoportrait de Vienne ou de l’effigie de Paola Gonzague à Fontanellato, se substituent la force et l’intensité du Gentilhomme des Offices et la complexe expressivité de Charles V .Les dix dernières années de ParmesanMichel-Ange disait que la sculpture se fait per forza di levare – à la force du poignet, en quelque sorte; pour Mazzola, peindre signifie donner vie, sur de vastes surfaces murales, à des géants et à des héros, et, avec eux, à des animaux, des vases, des fleurs, des livres et toutes sortes d’objets étudiés à travers des centaines de dessins et exécutés avec une patience infinie et la minutie d’un miniaturiste. Après avoir été doublement déçu à Rome et à Bologne, du fait des hommes et des événements, dans son ambition de réaliser une vaste décoration, Parmesan, de retour dans sa ville natale, voit ses espérances aboutir, grâce à la nouvelle église, la Steccata, édifice à plan central et aux larges arcs dont la modernité, digne de Rome et de Bramante, convenait à son orgueil et à ses goûts.Plus qu’un plafond ou un mur, la décoration d’une abside ou d’un intrados, avec ses difficultés particulières, exige une attention sans défaut, et mobilise toutes les ressources alliées de l’art et de la science. Les contemporains de Parmesan chuchotaient qu’il avait partie liée avec l’alchimie – mais ses défenseurs savent que l’alchimie n’est pas la sorcellerie; plus que le traitement du mercure et la poursuite de l’or, elle est savoir et recherche. Les figures et objets que Parmesan projette dans l’espace témoignent du sens plastique et volumétrique de l’artiste, qui sait par ailleurs les entraîner dans un mouvement continu et enveloppant; Parmesan analyse la réalité avec un scrupule extrême, mais c’est avec une liberté toute moderne qu’il traite ces figures énormes que leurs proportions font cependant paraître, vues d’en bas, normales; il interprète avec la même vigilance l’ensemble et les détails, les accords de couleurs, le monde végétal et le monde animal, et, par-dessus tout, la lumière: lumière naturelle variant du midi à la nuit, et toutes les nuances des lumières artificielles, le rouge des braises incandescentes, la lueur dorée des lampes, les éclats blancs et aveuglants sortis des vases de l’alchimiste.Les dix années que Parmesan consacra à une tâche qui, selon les termes du contrat, aurait dû être terminée au bout de neuf mois, ne furent pas des années perdues; l’artiste s’employa en effet à représenter son propre tourment et celui de sa génération devant la transformation du monde satisfait et serein de la Renaissance en un monde tout différent, hérissé de doutes, de contradictions, de rébellions, un monde en état de fermentation et de transmutation comme la matière elle-même; tout cela s’exprime dans les tableaux de cette période, où l’artiste s’efforce, dans une suprême recherche de libération et d’harmonie, d’effectuer la symbiose des objets et des figures humaines: ainsi, dans la Vierge au long cou , des Offices, la Vierge est associée plastiquement aux colonnes du fond et l’amphore à l’ange qui la soutient; dans le Retable de saint Étienne , de la Gemäldegalerie de Dresde, le rocher de forme ovale est traité selon le même module que les têtes des saints; cette recherche n’est pas, pour Parmesan, un jeu abstrait ou superficiel; le tragique Autoportrait est là pour en témoigner. Pour rythmique et mesurée qu’elle soit, sa vision de la vie n’en reste pas moins douloureuse et dramatique; elle se conclut par l’exil dans la localité voisine de Casalmaggiore et la mort précoce et solitaire.Parmesan(Francesco Mazzola, dit le) en ital. il Parmigianino (1503 - 1540), peintre italien; l'un des initiateurs du maniérisme.⇒PARMESAN, -ANE, adj. et subst.I. —Adj. et subst. De Parme.A. —(Celui, celle) qui habite Parme ou qui en est originaire. Ma présence dans les rues, placée sur une charrette, pourrait émouvoir la sensibilité de ses chers Parmesans (STENDHAL, Chartreuse, 1839, p.266).B. —[En parlant d'une chose] Qui est propre à Parme, à sa région, à ses habitants. Sur ses formes parmesanes, le peignoir de soie violette a des froissements pareils à des moues de lèvres, à des caresses timides et effleureuses (PÉLADAN, Vice supr., 1884, p.2). Les fromages testiculaires et autres délicatesses parmesanes (MORAND, Air indien, 1932, p.37).II. —Subst. masc. Fromage italien à pâte dure, fabriqué avec du lait écrémé et du safran. La soupe à l'oignon (...) dans laquelle les raffinés sèment du parmesan râpé (NERVAL, Bohême gal., 1855, p.154). Laissez cuire le tout. En finissant, on y met un peu de fromage râpé, soit gruyère, soit parmesan et un filet de vinaigre (Gdes heures cuis. fr., Éluard-Valette, 1964, p.250). V. anisé ex. 2.— Au parmesan. Croûtons au parmesan (BERNANOS, Joie, 1929, p.550).Prononc. et Orth.:[
]. Att. ds Ac. dep. 1762. Étymol. et Hist.1. 1414 fromage permigean (LAURENT DE PREMIERFAIT, Decameron [trad. de l'ital.], B.N. 129, f° 212 v° ds GDF. Compl.); 1505 fromaige parmisan (DIDIER CHRISTOL, Platine en françoys [trad. d'un texte lat. écrit par un aut. ital.], 18 r° a d'apr. R. ARVEILLER ds Mél. Séguy (J.), p.67); 1596 parmesan (HULSIUS); 2. 1606 parmesan «de Parme» (NICOT). Empr. à l'ital. parmigiano «de Parme», aussi (formaggio) parmigiano «(fromage) parmesan» (dep. XIVes., BOCCACE ds TOMM.-BELL.), ce fromage étant originaire de la région de Parme. Fréq. abs. littér.:21. Bbg. HOPE 1971, p.149, 214.
parmesan, ane [paʀməzɑ̃, an] adj. et n.ÉTYM. XVe, permigean ital. parmigiano, de Parme.❖1 Adj. De Parme, ville du nord de l'Italie. — N. m. Peint. || Le Parmesan, surnom de Mazzolino, peintre italien né à Parme en 1503.2 N. m. (1596). Fromage cuit fait de lait de vache écrémé et de safran, et qui est fabriqué dans les environs de Parme. || Acheter du parmesan. || Parmesan râpé. || Pâtes, sauce, soupe au parmesan (→ Oignon, cit. 1).1 Un parmesan au milieu de cette lourdeur de pâte cuite, ajoutait sa pointe d'odeur aromatique.Zola, le Ventre de Paris, V, t. II, p. 106.2 (…) dans la cuisine, mijotant les choux-fleurs au parmesan (…)R. Queneau, le Chiendent, p. 254.
Encyclopédie Universelle. 2012.